Nouvel article dans le magazine de parfum Fragrantica par Elena Prokofeva
Publié on fragrantica.com at 09/03/23
J’ai découvert Fanfarone Italiano de State of Mind juste après l’exposition à Milan, mais comme Igor l’avait déjà présenté, j’ai décidé d’attendre le mois de septembre, date à laquelle le parfum devrait arriver dans ma ville. J’ai passé tout l’été avec Fanfarone Italiano, le portant sous la chaleur et sous la pluie. J’ai eu l’occasion de le comparer calmement avec les senteurs de café et de thé que j’apprécie le plus dans State of Mind… J’en suis arrivée à une conclusion : il est différent. Il ne ressemble à aucun des parfums de café de ma collection, bien que j’aime particulièrement la note de café dans les parfums. En outre, il ne ressemble à aucun des parfums State of Mind.
Fanfarone Italiano est également un café amer avec des notes d’eau de Cologne masculine… Mais les similitudes s’arrêtent là. En effet, Fanfarone Italiano est totalement différent sur tous les autres plans. Il est beaucoup plus riche et plus varié. Il convient non seulement aux messieurs, mais aussi aux dames qui aiment s’habiller en costume d’homme. Ou simplement d’élégants costumes d’affaires. Et il sent aussi la forêt… Mais je m’avance un peu. Le Fanfarone Italiano se dévoile en cinq étapes : café-chocolat, cognac, noisette, aigre-doux frais et forêt verte. Elles se succèdent et rendent le parfum de plus en plus complexe. On sent d’abord le café : un espresso très fort, très amer, très aromatique. Il n’y a pas une goutte de lait ni un grain de sucre. Juste du café, mais infusé à la perfection, vivifiant par son seul arôme. Les fèves de cacao sont servies avec le café : torréfiées, mais non transformées, plus aromatiques et plus amères que le chocolat le plus noir. La note de café du Fanfarone Italiano est délicieusement authentique : lorsque vous appliquez le parfum, vous anticipez instinctivement l’élan d’énergie et de vigueur qu’apporte une tasse de café délicieux. De plus, on a l’impression que Fanfarone Italiano fonctionne vraiment comme le café !
Vient ensuite le cognac. Pas dans la tasse de café, mais à part, ce qui permet de faire tourner un verre rond dans la main, d’admirer sa couleur et de savourer son parfum… La note de cognac dans le Fanfarone Italiano est si réaliste qu’elle évoque le goût du cognac sur la langue, une douce chaleur, une texture huileuse… À ce moment-là, Fanfarone Italiano me rappelle les « feelies » d’Aldous Huxley et le chewing-gum aux saveurs changeantes du dîner à trois plats dans les écrits de Roald Dahl, car le parfum donne des sensations très réalistes, comme si l’on buvait à la fois le café et le cognac. Puis vient le temps des noix : noix et noisettes, et peut-être aussi pistaches… Leur odeur est si vibrante qu’elle éclipse presque le cognac, et même les notes de café prennent une teinte de noisette.
L’aventure commence alors, car ce café aux fèves de cacao, au cognac et aux noix n’est pas servi à la table d’un café parisien ou milanais, mais au milieu d’une forêt, sur une grosse souche d’arbre.
L’élan café-chocolat vif et chaud des premières notes se répand sur un fond vert : feuilles et herbe, troncs d’arbres et mousse, sève verte, bruissement vert… Les notes fraîches sont si fortes qu’elles me font penser à un parfum masculin. Mais outre l’amertume du café, ils partagent un thème de parfum masculin. Alors que Caravansérail Intense a quelque chose d’ancien et de classique, je trouve dans Fanfarone Italiano quelque chose qui ressemble à Aventus de Creed : ananas, cassis, pomme verte, jasmin et notes chyprées. Un gentleman (ou une dame en costume d’homme ?) appliquait Aventus avant d’aller boire un café dans les bois, savourant la combinaison d’une amertume vive et vivifiante avec l’haleine verte et fraîche des arbres. Mais non, il s’agissait d’une méprise : ce n’est pas Aventus. C’est une pomme acidulée, cueillie sur un pommier sauvage. C’est l’arôme des feuilles de cassis. Peut-être y avait-il autrefois un jardin ici ? Mais il est depuis longtemps abandonné et envahi par la végétation, et le buisson de cassis est presque devenu sauvage, ne produisant presque plus de baies, mais ses feuilles dégagent toujours cet arôme piquant reconnaissable lorsqu’on les effleure par hasard. L’air du matin est si cristallin qu’il semble porter l’odeur d’une fraîcheur fruitée, croquante et résistante…
Les étapes aigre-douce, fraîche et forêt verte du développement du Fanfarone Italiano se déroulent presque simultanément, ou plutôt, elles alternent : d’abord, on sent que l’odeur brillante du café a une toile de fond verte, puis une note fruitée translucide émerge, un fantôme d’eau de Cologne, qui se transforme en fruits et feuilles tout à fait tangibles. La forêt se referme autour de la tasse de café. C’est la fin de l’été et la plupart des arbres sont encore verts, mais il y a déjà un soupçon de fraîcheur automnale dans l’air. Pourtant, le café permet de l’éloigner.
Le café est le cœur du Fanfarone Italiano. Peu importe ce qui se passe autour, peu importe comment le parfum change, la note principale et constante sera toujours cet arôme de café amer. De Fanfarone Italiano, j’attendais des notes gourmandes et épicées, de l’extravagance ludique, de la flamboyance. C’est ce que promettait le nom, et après des conversations avec la propriétaire de la marque et la créatrice du parfum, Catherine Laskine-Balandina, j’ai imaginé quelque chose de doux et d’épicé, quelque chose dans le style de Versailles, qui avait découvert la boisson vivifiante à base de grains de café. Intrigues et manigances, amour et politique, perruques poudrées, grains de beauté, talons rouges… Et dans la tasse de café, présentée avec un ruban par un page, des épices, du miel, du poison !
Mais Fanfarone Italiano s’est révélé sobre et légèrement mélancolique, imprévisible, construit sur une multitude de contrastes, chaud sur la peau et frais dans le sillage. Il réunit un café et une forêt, mais il n’y a aucune allusion à Versailles.
Fanfarone Italiano me semble introverti. Élégant à l’infini et totalement imprévisible. Boire un café dans la forêt, non pas dans un thermos, mais fraîchement infusé dans une tasse en porcelaine, c’est inhabituel… Mais quel plaisir ce doit être ! Respirer l’arôme du café et du chocolat en même temps que le parfum de la forêt, offrir une noix à un écureuil, écouter le silence qui s’installe dans la forêt à la fin de l’été. Le silence absolu régnera lorsque la première neige tombera, mais c’est encore loin. Ce n’est même pas l’automne, et la forêt sent encore la verdure riche et mûre.
L’automne ne viendra jamais dans la bouteille de Fanfarone Italiano.
Malgré l’originalité de l’association du café et de la forêt, je dirais que l’élégance irréprochable est la principale qualité du Fanfarone Italiano. Il est aussi élégant que toutes ces tenues que je n’ai jamais pu porter. Par exemple, les manteaux de laine de couleur crème, que d’autres femmes portent sans effort, même par temps de pluie, lorsqu’il y a des flaques d’eau et de la boue sous les pieds, ce qui permet de garder le manteau propre. Ou encore les petits sacs à main pour dames, qui n’ont que des poignées pour les porter à la main ou sur le coude. Il n’est pas possible de les porter en bandoulière car ils n’ont pas de longue lanière. Ou encore les longs châles brodés et fluides que je ne peux qu’admirer car je m’y emmêle immanquablement…
La Fanfarone Italiano est impeccable, comme Alain Delon en Jef Costello dans Le Samouraï, comme Jin Dung en Min Lou dans Le Prétendant (Wei zhuang zhe), ou comme… Meryl Streep dans le rôle de Miranda Priestly dans Le Diable s’habille en Prada ! J’espère que ces exemples, qui couvrent différentes époques, trouveront un écho chez tout le monde. Le Fanfarone Italiano est sérieusement et fondamentalement impeccable, sans un soupçon d’auto-ironie. (J’espère qu’un jour je trouverai un parfum ironiquement impeccable, comme Colin Firth dans presque tous ses rôles mais surtout dans Kingsman, ou comme Mark Gatiss dans Sherlock…). Il s’avère que pour moi, Fanfarone Italiano n’est pas du tout un « fanfaron »… L’antonyme de « fanfaron » est « modeste ». Cepndant, le Fanfarone Italiano n’est pas modeste. Il est sobre, autosuffisant, exquis à l’extérieur et complexe à l’intérieur. Aristocratique ? Peut-être. Mais il est temps de conclure, car on s’éloigne de la question du parfum lui-même.
Si vous aimez le café amer, le cognac, les noix et la fraîcheur de la forêt, et si vous appréciez les parfums non triviaux, vous devriez absolument faire connaissance avec Fanfarone Italiano.